A l’aube des temps, ils étaient au nombre de neuf. Neuf divinités, neuf dragons aux pouvoirs incommensurables voguant dans une immensité obsidienne où temps et espace n’existaient point encore. Aujourd’hui associés aux éléments magiques et aux forces du monde, ces êtres extraordinaires se suffisaient alors à eux-mêmes.

-Yndra, la dragonne de la foudre
-Tlaaloc, le dragon des eaux
-Ull, le dragon des glaces
-Enchial, le dragon du feu
-Raijin, le dragon des vents
-Druantiia, la dragonne de la terre
-Semhuin, la dragonne des ténèbres
-Beeal, le dragon de lumière
-Ayion, le dragon des arcanes

Ensemble, au cœur du Néant, ils façonnèrent le monde, ordonnèrent tout ce qui seraient amenés à la composer, jusqu’à former un véritable chef-d’œuvre. Cependant, et bien qu’ils se plurent à le contempler, ils nourrirent le désir de faire don de cette création pour la voir s’épanouir et grandir plus encore par elle-même. Animaux marins, terrestres ou volants furent bientôt rejoins de nouvelles créatures au nombre de trois. Trois dragons firent voir le jour aux humains, trois autres imaginèrent les salamandres et les trois derniers conçurent les nocturnes. Ces êtres furent pensés pour pouvoir s’adapter à toutes les terres du continent et les exploiter au mieux afin de leur faire atteindre leur plein potentiel.

Epuisés par la quantité prodigieuse d’énergie déployée pour créer toute chose, les Neuf se retirèrent aux confins du temps, laissant à leurs progénitures le soin de prendre soin du monde qui leur était offert.
Des civilisations commencèrent à voir le jour, des villages sortirent de terre et des communautés se développèrent. La pérennité des races s’ancrait dans l’Histoire.

Pourtant, peu à peu, tapi dans l’obscurité, un mal serpentait à travers les ténèbres, approchant les êtres qui vivaient sur cette terre offerte. D’une paix jusque-là inébranlable, des conflits commencèrent à éclater. L’harmonie instaurée par les Neuf se fragilisa et vols, mensonges, perfidies, trahison, jalousie et haine apparurent et gangrénèrent peu à peu tout le continent jusque dans les moindres recoins. Le Mal grandissait, s’épanouissait en répandant son poison dans le cœur des êtres du monde, en se repaissant de leurs faiblesses, de leurs peines et de leurs émotions les plus sombres.
Bientôt, des guerres fratricides éclatèrent, abreuvant de sang la terre autrefois chaleureuse. Des batailles aussi insensées qu’abominables entraînaient les populations dans des tueries sanglantes. De la plus haute noblesse aux tréfonds des bas-fonds, tous nourrissaient une soif de sang et de violence incompréhensible. Le Mal ne cessait de gagner en puissance, annihilant tout ce que les Neuf avaient mis tant de temps à construire.

Tirés de leur sommeil par les complaintes et les supplications de fidèles demandant grâce aux Grands Créateurs ; les Neuf découvrirent une terre ravagée, mise à feu et à sang par ceux à qui ils en avaient fait don. Alors, animés par la rage, blessés au plus profond d’eux-mêmes par ce que le Mal avait fait à leur création, ils se lancèrent à leur tour dans une guerre si féroce qu’aucune ne put en réchapper. Lancés contre le Mal, crachant leurs souffles dévastateurs, virevoltant dans des assauts inhumains ; le combat fit tant de bruit que toute vie cessa brusquement de bouger. Le sol tremblait si fort que l’on eut dit que la terre allait ouvrir ses mâchoires pour tout engloutir. Le vacarme fut tel que même le tonnerre ne parvenait plus à se distinguer dans les bruits de la bataille.

Et puis vint le silence. Un silence si lourd, comme si un épais brouillard avait tout envahi sur son passage et commençait peu à peu à se lever. Dans les yeux de tous, la sidération. Tant de corps sans vie. Tant de rouge. Tant de destruction. Les morts gisaient, les spectres de la mort et de la haine dansant encore dans leurs prunelles grandes ouvertes. S’élevèrent dans l’air les petits hurlements, lamentations d’animaux en deuil, lorsque chacun prit conscience des atrocités qu’il venait tout juste de commettre. Brisant le silence, des centaines, des milliers de plaintes montèrent jusqu’au ciel, les étoiles en témoins malheureuses de cette tragédie. La folie n’était plus, seuls demeuraient les remords, les regrets, et l’abjection de soi.

Mortellement atteints, leurs forces épuisées, les Neuf s’adressèrent à leurs enfants. Le Mal avait été vaincu. Dorénavant, le continent serait divisé en cinq royaumes avec, à leur tête, cinq individus de confiance choisis par les dragons primordiaux. Ces êtres prodigieux avaient conservé un cœur pur malgré la corruption, avaient prié les Neuf pour implorer leur aide et, surtout, s’étaient élevés contre le Mal lorsque les Neuf avaient fait appel à eux. Cinq héros, dont la tâche ardue allait être de panser les plaies du continent et de maintenir la paix à jamais. Le continent se nommerait désormais Thelos, en hommage à ces cinq êtres : le noctune Théhérel D’Ombrelune, l’humaine Hellénore Urlevent, la nocturne Erena Liberville, la salamandre Lenos Valiand, le salamandre Onos Xiathal. Quant au S, il fut un hommage à l’humain Silren Solmon qui assena le coup fatal à l’ennemi et perdit du même coup la vie. Chacun serait honoré jusqu’à son dernier souffle en donnant leur initiale au continent.

Les Neuf se sont éteints et ont laissé les Cinq gouverner et veiller sur leur création. Les cinq royaumes ont vu se succéder les dirigeants et les terres prospérer de nouveau. La paix promise par le sacrifice des dragons primordiaux demeure immuable. Pour autant, personne n’a oublié. Les livres d’histoire, quoi que les versions divergent d’un royaume à l’autre, font tous mention des événements survenus à l’apogée du Mal. Les Cinq veillent, et des aventuriers de tout le continent s’évertuent à protéger cette paix. Pour autant, une question subsiste dans l’esprit de certains. D’où est venu ce mal qui a frappé ? Nul ne le sait aujourd’hui encore, mais chacun sait qu’il a été éradiqué il y a de cela des siècles…